Les avis sur les technical artists sont partagés. Faut-il, et peut-on former et intégrer dès maintenant ces talents polyvalents ?

Ont contribué à ces réflexions : Joëlle Caroline, fondatrice et productrice (Godo Films), Chloé Jarry, ceo et productrice (Lucid Realities), Antoine Villette, directeur, Microids Studio Paris), Benoît Maujean, directeur de l’équipe recherche (Technicolor Creative Studio), Olivier Reix, cofondateur et producteur digital (Ultranoir)

Ont contribué à ces réflexions : Julien Villedieu, conseil en stratégie et financement pour le jeu vidéo (Level Link Partners), Joëlle Caroline, fondatrice et productrice (Godo Films), Chloé Jarry, ceo et productrice (Lucid Realities), Voyelle Acker, cofondatrice et productrice (Small Creative), Pierre Cattan, fondateur, producteur et scénariste (Small Bang), Benoît Maujean, directeur de l’équipe recherche (Technicolor Creative Studio)

Pendant 15 ans à la tête du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo), Julien Villedieu a porté son regard à l’échelle d’une industrie. Sa perspective se fait globale : “Le premier référentiel des métiers du SNJV, en 2012, identifiait une quarantaine de métiers, le nouveau, en 2024, en dénombre plus de 60. En une dizaine d’années, 50% de nouveaux métiers ont émergé, et nombre d’entre eux se caractérisent par des formes d’hybridation. Ce sont des gens chargés de l’IA au niveau de l’infographie, ou des Game Business Designers qui vont intégrer la notion de marketing dans le game design…”

Le métissage des compétences : une tendance

Le métissage des compétences est donc un phénomène quantitatif. Le constat vaut à l’échelle d’une filière, qui plus est celle dont les technologies essaiment désormais vers les autres secteurs de l’image – les VFX, la VR, voire peu à peu l’animation – et dont les mécaniques d’engagement fédèrent de vastes communautés comme Roblox ou Fortnite, enviées par les tenants du métavers.
Alors ?
Alors bien sûr, la création en équipe reste le principe indépassable, avec ses combinaisons de talents et sa fertilité propre. Joëlle Caroline et Chloé Jarry l’ont rappelé avec force, Voyelle Acker le confirme : “Un projet se construit comme un millefeuille, la confrontation créative reste vivante jusqu’à la fin. Perdre cet esprit serait dommage, car la notion de montée en compétences d’un studio est déterminante.”
Toutefois, on peut penser que création collective n’est pas forcément synonyme de séparation des compétences. A elle seule, la place croissante de la technologie dans l’expression artistique ne cessera d’appeler des niveaux d’autonomie technique plus élevés chez les personnels créatifs.

Si Pierre Cattan relève “une évolution majeure de la porosité entre les dimensions artistiques et techniques dans le cadre de la création collective”, c’est sans doute d’abord parce qu’il l’expérimente et la défend sur ses projets : “Il est de moins en moins intéressant de travailler avec des équipes artistique d’un côté et technique de l’autre, au risque de perpétuer le modèle d’exécutants techniques au service d’artistes créateurs. Toutes les fois où j’ai mis en pratique un vrai partage de compétences – tendance forte et présente dans la génération Z – j’ai abouti à la même conclusion : maintenant les bons artistes sont de bons techniciens et inversement. »

Détecter et former ces talents

A l’écoute de ces différents points de vue, nous avons choisi de favoriser la détection et l’éclosion de ces talents hybrides. Il y a plusieurs raisons à cela.
D’abord, ils répondent à une attente de beaucoup de jeunes qui ont par ailleurs des arguments pour y prétendre, ce que nous constatons chaque jour. Croire que les outils suffiraient à fabriquer un artiste est illusoire, mais à l’inverse il est important de reconnaître la capacité que les technologies confèrent, aux jeunes générations en particulier, d’apprendre à exercer très tôt de multiples capacités. Beaucoup de ces jeunes aujourd’hui révèlent ces aptitudes diversifiées qu’on peut voir comme autant de potentialités à travailler et à polir, sans exclusive.
Ensuite, et plus que jamais aujourd’hui, il est crucial de regarder vers l’avenir.
Les cycles d’innovation s’accélèrent, c’est une évidence. Si les profils technico-artistiques prennent toute leur valeur dans les phases d’exploration et d’expérimentation, alors on peut leur prêter beaucoup de valeur tout court, car ces phases sont promises à devenir un état permanent.

Réapprendre une autonomie d’artisan

Enfin, la polyvalence est un facteur d’employabilité durable pour ces futurs professionnels eux-mêmes. Elle conditionne leur capacité d’adaptation aux prochaines vagues d’innovations technologiques mais aussi aux modes de travail de l’avenir, travail en réseau, collaboration à de grands projets structurés comme à des productions agiles en équipes légères. « Une compétence clé des prochaines années, aussi bien pour les entreprises que pour les individus, sera de savoir travailler de manière collaborative et changer très vite d’outil en fonction du contexte créatif ou de production, via des infrastructures cloud », projette Benoît Maujean.
Ce contexte laisse penser que les créateurs d’images de demain seront des artistes programmeurs. Ils rapprocheront deux langages avec une autonomie d’artisans. Pour leur donner les clés de cette autonomie, nous croyons important de former ces nouveaux artisans.